FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Sophie Fillières
Scénario : Sophie Fillières
Année de sortie : 2024
C’est l’histoire de Barberie Bichette, qui a 55 ans.
Ce que le titre annonçait, regarder le film le confirme : on est face à un portrait sur le vif, teinté d’autobiographie. Sans autre déclencheur particulier que le nombre des années, Barberie Bichette (jouée par Agnès Jaoui, et vaguement double fictionnel de la cinéaste) est prise de vertige face à l’insoutenable légèreté de sa propre personnalité. A ce titre, la scène d’ouverture est intelligente ; Barberie, filmée en gros plan par une caméra à la main, hésite pendant plusieurs minutes sur le choix d’une police d’écriture avec laquelle entreprendre le récit de sa vie, qui commence justement par les mots du titre. Puis elle est dérangée dans sa tentative par l’appel d’une amie, appel qu’elle tente de repousser mais qui la conduit de mensonge en mensonge, si bien qu’elle se contraint presque elle-même à aller à la salle de sport, laissant en plan son activité d’écriture. La vie ne lui laisse pas le temps de s’écrire, de s’ordonner, la vie la rattrape, la presse et son intériorité reste un chantier.
En ce sens, il y a bien une certaine finesse de la mise en scène, même si j’en étais peu convaincu la première fois, un deuxième visionnage m’a fait reconsidéré les choses autrement. D’abord le langage, qui échappe sans cesse à Barberie. D’une part, elle ne parvient ni à communiquer avec sa fille, ni à parler d’elle à son psy, et la plupart de ses interactions sociales sont terriblement maladroites. D’autre part, elle se voudrait poète, elle a déjà été publiée rappelle-t-elle, sans jamais pourtant faire carrière. En partant de ce point, le langage déréglé, on trouve du sens au jeu des acteurs qui croisent le personnage d’Agnes Jaoui. La première fois, il m’a semblé qu’ils jouaient mal, qu’ils étaient dans la caricature, le stéréotype, l’à côté. Mais à y regarder de plus près, cela me semble cohérent avec l’entreprise globale. Barberie est filmée de près et la caméra tenue à la main, comme si le monde tremblotait avec elle et épousait tous ses états d’âme. Il n’est donc pas étonnant que, dans une narration autant contaminée par cette psychologie en doute, les autres, proches ou non, soient dissonants aux yeux du/de la spectateur.rice que l’on fait entrer dans la peau du personnage principal. Autrement dit, si vous avez l’impression que les enfants jouent mal, c’est parce que Barberie pense que ses enfants sont des clichés ambulants. Simple hypothèse, peut-être qu’ils jouent juste mal.
Malgré tout, ce solipsisme laisse un arrière goût amer. A bien des égards, la proximité constante que nous entretenons avec le personnage principal et sa psychologie devient étouffante, et conduit à sa trop grande incarnation. C’est Agnès Jaoui qui porte toute seule l’épaisseur du personnage de Barberie, et certes elle livre une performance très appréciable, mais cela empêche aussi le film d’acquérir une portée plus universelle. Nous sommes privés de l’espace, privés du temps, qui pourraient faire un lien entre nous et le personnage. Tout, comme dans un songe, est soumis à la figure de Barberie, si bien que le film paraît se refermer sur lui-même, et ne vouloir parler à personne.
Baptiste Hoarau







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