FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Ali Abbasi
Scénario : Gabriel Sherman
Année de sortie : 2024
The Apprentice, réalisé par Ali Abbasi et prenant pour sujet les débuts de Donald Trump, est sorti dans seulement 1700 salles au Etats unis, les distributeurs hollywoodiens ayant refusé de soutenir le projet. Le film, avant même sa sortie, fait déjà débat, fustigé par des proches de Donald Trump qui qualifient le film de “pure provocation” dans un communiqué de presse. Il est vrai que cette représentation des débuts de l’ancien président dans un New York sulfureux des années 1970 ne jouent pas en sa faveur. On y découvre son ascension au côté de Roy Cohn, un avocat principalement connu pour avoir fait exécuter les époux Rosenberg.
Dans les années 1970, le nom Trump renvoie à l’entreprise familiale que le patriarche mène d’une main de fer. Son fils, le naïf et impuissant Donald, n’arrive pas à s’imposer. La rencontre avec Roy Cohn marque le début de son élévation. Le chef d’entreprise qui défend aujourd’hui fermement l’idée du self made man, se voit façonné à la manière d’une poupée de cire, de la coupe de cheveux au costume en passant par la posture. L’avocat fait de Donald Trump sa marionnette, lui dictant des phrases qui résonnent aujourd’hui avec une certaine ironie. La chronologie du film est marquée par la relation qu’entretiennent les deux personnages, dont les rôles de mentor et d’apprenti s’inversent.
Les plans s’enchaînent avec régulièrement des scènes de la ville de New York, en crise et cherchant, tout comme l’entreprise Trump, un moyen de se reconstruire. Le montage s’accélère et les plans de la ville de New York et de Donald Trump ne sont plus dissociables, métaphorisant son succès sur un territoire conquis devenu maintenant son terrain de jeu.
La réussite du film passe par la caractérisation du protagoniste. Le réalisateur assume lui-même avoir voulu montrer le système dans lequel Trump a évolué sans “juger” le personnage. En découlent des scènes de violence marquantes par leur vraisemblance et leur absence de caricature. C’est notamment le cas d’une scène dans laquelle Donald Trump impose des rapports sexuels non consentis à sa femme. Le personnage, aussi mégalomane et égocentrique soit-il, est dépeint avec une humanisation rendant crédibles ses exubérances et ses crimes.
Le film se conclut sur la réussite professionnelle du personnage devenu le Donald Trump connu de tous, et sur une longue scène de liposuccion le rappelant au burlesque. Cet excipit fait tomber le personnage du piédestal sur lequel il semble se trouver et renverse la gloire des habituelles escalades sociales et financières.
À 25 jours du premier tour des élections américaines, on peut se questionner sur le potentiel impact d’un tel film. Certes, lorsqu’on visionne le film avec un regard international et à l’encontre des valeurs du personnage, on ne peut qu’être rassuré dans ses idées. On sait pourtant très bien qu’une œuvre peut échapper à son auteur, comme cela a été le cas pour American Psycho et Le Loup de Wall Street. Tous deux critiquent un système capitaliste et misogyne, mais leurs personnages principaux se sont vus érigés par les masculinistes comme des « role model ». Il faut espérer qu’un film dépeignant un homme aujourd’hui star ne ravira pas des spectateur·ices tenté.es de lire le film sous un autre prisme que celui, ironique, de son auteur.
Lilia Penot







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