Miséricorde

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2–3 minutes

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2–3 minutes
FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Alain Guiraudie / Scénario : Alain Guiraudie / Production : Charles Gilibert / Maison de production : CG Cinema, Scala Film, Arte / Direction de la photographie : Claire Maton / Ingénierie du son : Vasco Pedroso / Montage : Jena-Christophe Hym / Musique : Marc Verdaguer / Costume :  Khadija Zeggai / Maquillage : Michel Vautier

Année de sortie : 2024

Miséricorde transgresse les genres, les corps et les espaces. Coupés du monde, des désirs libidineux et immoraux prennent place dans un village aveyronnais, lieu d’enfance du réalisateur. Lorsque Jérémy, interprété par Félix Kysyl, y revient pour l’enterrement du boulanger, il bouleverse son équilibre fragile. 
Le nombre restreint de personnages permet à Alain Guiraudie de les caractériser finement. La veuve effrayée par la solitude (Catherine Frot), le fils jaloux (Jean Baptiste Durand), l’ancien berger désormais alcoolique (David Alaya), et le mystérieux curé friand de champignons, évoluent, insaisissables, avec ambiguïté. 
Chacun, dans ce lieu où il est connu de tous, essaye de cacher ses névroses. Le traitement des espaces et des corps en est modifié. A l’image du brouillard embaumant la ville, les liens entre les protagonistes restent flous, oscillant entre désir inassouvi et jalousie. L’enquête menée par les policiers devient l’occasion de rassembler ces personnages qui ne cessent de se confronter par hasard. 
Les décors sont dérangés par ces rencontres. La chambre de Vincent, occupée par Jérémy, conserve les marques de l’adolescence. Elle est, chaque nuit, visitée par des personnages dont l’irruption surprend et amuse. En même temps que Jeremy voit son intimité violée, il viole celle de ses voisins, occupant tantôt les vêtements du défunt, tantôt ceux de Walter. Le dernier plan, montrant Jérémy dans le lit de Martine, participe à cette volonté de mixité des espaces et des corps. 
La forêt apparaît alors comme refuge, seul lieu où l’on peut encore cacher quelque chose, mais jamais soi-même, les visites imprévues y étant courantes aussi. La caméra se fait voyeuriste, ne laissant ni répit ni solitude aux personnages sans cesse accompagnés. Cette oppression est annoncée dès le début par la séquence d’ouverture suivant une voiture rouge dans des routes de campagne, rappelant The Shining (Stanley Kubrick, 1980). 
Miséricorde est surprenant. Son intrigue étrange et ses dialogues récités dans un calme glaçant dérangent ; sa résolution, ses phrases marquantes, ses situations burlesques, amusent. Lorsqu’il se termine, on ne sait qu’en penser. 
Avec recul, je lis différemment la tirade du curé sur l’inutilité de la prison et des instances judiciaires. Entre influence Foucaldienne et justification de sa défense de Bertrand Cantat1, où Alain Guireaudie se place-t-il ? 

1 Alain Guiraudie, accueilli sur France Inter le 15 octobre 2024, a qualifié le féminicide de Marie Trintignant de « connerie » ne justifiant pas la culpabilisation médiatique de Bertrand Cantat.

Lilia Penot

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