FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Leos Carax / Assistance réalisation : Christian Faure / Scénario : Leos Carax / Production : Alain Dahan, Philippe Díaz et Denis Château / Photographie : Jean-Yves Escoffier / Montage : Nelly Quettier / Décors : Jacques Dubus, Michel Vandestien et Thomas Peckre / Chorégraphie : Christine Burgos
Interprétation : Denis Lavant, Juliette Binoche, Michel Piccoli
Année de sortie : 1986
Alors qu’un virus décime tous ceux qui « font l’amour sans amour », Alex se retrouve recruté par les amis de son père, récemment décédé, pour voler la souche du virus que s’arrachent les laboratoires. Il y voit l’occasion de gagner assez d’argent pour refaire sa vie et partir loin de Lise, qui l’aime. Recruté pour son habileté, le magicien ventriloque devient la proie d’une Américaine mafieuse qui veut elle aussi la souche.
Leos Carax emprunte le titre de ce film à un poème de Rimbaud. Dans celui-ci l’auteur parle de « […] l’amour divin. – Deux amours ! je puis mourir de l’amour terrestre, mourir de dévouement. ». On voit déjà l’inspiration du réalisateur : la poésie, l’amour. Cette clef d’interprétation est la bienvenue, car lorsque l’on regarde Mauvais sang pour la première fois, on peut avoir du mal à comprendre quel est le réel sujet du film du fait d’une réalisation aux airs inconventionnels.
On est souvent déconcerté·e par ce qu’on croit être du hasard, tant dans les choix que font les personnages que dans les plans qui défilent dans un désordre organisé que l’on ne comprend pas toujours.
Anna a du mal à exprimer ce qu’elle ressent, Alex lui propose alors de mettre la radio : « on tombe toujours sur la musique qui nous trottait tout au fond, tu vas voir c’est magique ». J’ai pas de regrets de Serge Reggiani se lance, c’est une mélodie mélancolique qui parle d’amour et de souffrance et qui nous rappelle l’amour doux, pourtant impossible, qu’il porte à Lise. Mais il ne peut pas s’empêcher de regarder Anna. Alors la musique change du tout au tout, et c’est peut-être ce contraste qui lui « trotte tout au fond » : Modern Love de David Bowie lui poignarde le ventre, il est meurtri par ces deux amours qui le torturent. Mais c’est lui qui, physiquement, plante ses points dans son abdomen avec une certaine violence, lui donnant une part de responsabilité dans le chaos de ses sentiments qu’il fuit en courant. Pour saisir ce qui est montré, il suffit seulement de garder à l’esprit que, parfois, il n’y a pas d’explication tangible. Mauvais sang est comme une grande plaine de jeu pour le·a spectateur·rice. On le·a laisse libre de comprendre ce que son esprit veut bien saisir de ce qu’iel a devant les yeux.
Sans beaucoup parler (ce n’est pas pour rien qu’Alex est surnommé « langue pendue »), les personnages sont présentés en profondeur. On voit, à travers les portes, derrière lesquelles iels se dissimulent, et à travers les lignes, ce qu’iels taisent. Ainsi Langue Pendue ne cesse d’admirer Anna, ce qu’on comprend grâce à la photographie de Jean-Yves Escoffier. Celle-ci fait transparaître la poésie des personnages et de leurs liens à travers la caméra comme à travers des vers : on comprend la mélancolie d’Anna en la voyant dans l’encadrure d’une porte ; Alex la regarde sûrement, il est en train de tomber amoureux. Cet amour surprend par sa rapidité : il se développe en deux jours. Pourtant il prend le temps d’exister grâce à des moments suspendus, d’admiration de l’un·e et de l’autre, et des liens entre les personnages.
Cette admiration est présente jusqu’à la course poursuite finale : Carax renie les codes cinématographiques qui présentent habituellement ce genre de scènes avec beaucoup de suspens, dans lesquelles la rapidité règne en maître. La fuite est ici calme et joyeuse ; on chante, on parle, on vit.
Et malgré ces longs plans et le silence qui règne, parfois même quand les personnages bougent les lèvres, le film ne paraît pas long. Et pour cause, tous les dialogues sont savamment écrits, avec minutie et dans le souci du détail, ce qui donne une justesse à ce qui est dit. La question du vol est toujours en arrière-plan grâce à la présence de Marc (Michel Piccoli) et Hans (Hans Meyer), mais elle n’est pas prétexte à donner un but aux personnages qui se développent dans son attente.
Mauvais sang fait fusionner lyrisme et cinéma en une œuvre qui sonne comme un long poème sur lequel on vogue.
Maxime-Lou







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