FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Carson Lund / Scénario : Carson Lund, Michael Basta et Nata Fisher/ Musique : Jonathan Davies/ Décors : Eddie Averill/ Costumes : Erik Lund/ Son : Michael Basta et Carson Lund/ Montage : Carson Lund/ Production : Michael Basta, David Entin, Carson Lund et Tyler Taormina/ Sociétés de productions : A Major Production, ColdFeet Films, Through the Lens Entertainment, Nord-Ouest Films et Omnes Films/ Société de distribution : Capricci Film
Interprétation : Frederick Wiseman, Keith Williams Richards, Bill Lee, Wayne Diamond.
Année de sortie : 2024
Si le baseball est principalement connu pour la longueur de ses matchs, Eephus, le dernier tour de piste suit ce prérequis. Cette fiction relate le match, sur une journée pleine, de deux équipes de baseball amateur dans une petite ville des États-Unis. Ce sera leur dernier, leur terrain devant être détruit sous peu. Carson Lund, le réalisateur, dresse un portrait de son pays par le biais des 18 joueurs de baseball, rappelant sensiblement le travail de Sidney Lumet dans 12 hommes en colères.
Le baseball est le troisième sport le plus populaire aux Etats-Unis, et il est le premier à avoir eu une ligue professionnelle. Son importance dans la culture américaine n’est plus à prouver, et le film montre l’aspect rituel qu’il prend pour les arbitres et joueurs. Tout au long de l’histoire, la spécificité du vocabulaire convoqué et des règles semblent aussi floue pour les spectateur·ices que les joueurs. Car l’important ici n’est pas le match ni la victoire, dont on se préoccupe finalement peu, mais les relations entre les joueurs, et les problèmes de chacun. Le film réussit, dans sa longueur, à ne pas tomber dans le misérabilisme. Le système de rotation particulier du baseball permet aux joueurs d’alterner les rôles et de se retrouver de nombreuses fois sans jouer. Cette suspension est l’occasion pour eux de se reposer, de parler, et surtout de boire des bières. Les langues se délient en même temps que la journée avance : chacun à sa vie, sa famille, et ses propres problèmes. Mais ces derniers ne sont pas appuyés, simplement évoqués puis oubliés par une caméra revenant régulièrement à ce qui se passe sur le terrain, évitant le pathos. Le sujet reste l’équipe, le sensible passe par le collectif.
Poursuivant son refus du pathétisme, le film use du comique. Il y trouve l’individualisme qu’il essayait d’éviter : seuls les personnages rigolent à leurs blagues. L’importance du match est minimisée jusqu’à ce qu’il n’importe plus de connaître le vainqueur. La preuve en est, le trash talking1 ne fonctionne pas.
Il reste la photographie, magnifiée par des couleurs et un soleil d’automne. Elle manifeste à elle seule le sentiment de mélancolie présent chez les joueurs. La lumière, dont les évolutions décrivent l’avancée de la journée, rappelle, à la manière d’un compte à rebours, le temps qu’il reste aux joueurs sur le terrain. Au soir, ne voyant plus rien, ils allument tous ensemble les phares de leur voiture, dans un dernier élan de solidarité sportive.
Eephus et le dernier tour de piste réussit, en ne filmant qu’une seule journée, à nous transmettre la mélancolie du temps qui passe. Ses personnages, au piètre niveau sportif, vivent malgré elle, et pour elle. Puis les lumières s’éteignent, comme au théâtre, les voitures partent, et le public quitte la salle à son tour.
Lilia Penot
- Tenir des propos provocateurs ou insultants envers son adversaire lors d’une rencontre sportive. ↩︎







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