FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Frederick Wiseman / Direction de la photographie : John Davey / Montage : Valérie Pico / Montage son : Hervé Guyader / Composition : Joby Talbot et Benjamin Wynn / Mixage : Emmanuel Croset / Production : Idéale Audience et Zipporah Films
Année de sortie : 2009
Tout est dans le titre. Ce documentaire ne porte pas sur un ballet, un danseur, ou encore sur l’Opéra Garnier ; il porte sur la danse, sur cet art dans son appréhension générique, et sur la façon dont se concentrer sur le ballet de l’Opéra de Paris permet de le représenter. Pour capturer l’essence de ce sixième art1 on nous donne à voir ses interprètes, et la machination logistique qu’il implique. Pendant sept semaines, Wiseman suit les répétitions de ballets classique et contemporain.
C’est par les toits que la caméra accède aux coulisses du spectacle. Une traversée aérienne et progressive de Paris mène aux sous-sols de Garnier, jusqu’à entrer dans les salles de cours par des escaliers puis par la voix assurée du professeur. Ce schéma sera repris plusieurs fois. Le cheminement dans les couloirs des bâtiments, ou au-dessus des rues de la capitale, permet d’alterner entre l’Opéra Garnier et l’Opéra Bastille. La majeure partie du film se concentre cependant sur les danseurs et danseuses, guidé·es par un·e professeur·e, répétant leurs mouvements jusqu’à atteindre la perfection et, enfin, l’approbation. Pour atteindre ce perfectionnement, la machine qu’est l’Opéra de Paris se conforme à une logistique complexe, à laquelle est introduit le public de cinéma que nous sommes. On suit notamment Brigitte Lefèvre, directrice artistique2 d’alors. Elle accueille les danseur·euses et écoute leurs revendications, elle organise des dîners de remerciements aux mécènes. On suit aussi des photographes officiels, des ouvriers chargés de rénover les couloirs de l’École, un homme de ménage, des costumes, coiffeuses, maquilleuses, ou encore un apiculteur travaillant sur les toits de l’Opéra Garnier. La danse prédomine sur le reste, mais le documentaire montre ce qui la rend possible, il dévoile ses contraintes matérielles. Une coupe passe ainsi brutalement de la fabrication d’un costume au filage d’un spectacle. Ce montage vif amène le chorégraphe dudit spectacle à affirmer à sa danseuse « voilà, ça on ne l’avait pas ». Le public de cinéma comprend, sans doute pour la première fois, l’importance du jeu dans la danse : c’est en enfilant le costume que la danseuse, enfin, atteint une interprétation nouvelle. Les danseur·euses sont montré·es dans toute leur expressivité corporelle, acteur·ices et sportif·ives à la fois. Iels sont, pour reprendre une expression surprenante, moitié nonne, moitié boxeur·euses. C’est bien leur mélange entre foi et force qui élève ce sport en art.
Le film est aussi l’occasion de plonger dans une mentalité pas si lointaine, celle de 2009, et probablement encore d’actualité aujourd’hui. Brigitte Lefèvre impose un régime à une jeune élève pour lui assurer une taille fine. Les professeurs de danse, surtout, enchaînent mansplaining et manque d’empathie envers les femmes, danseuses ou professeures. On n’oublie pas, en outre, que la danse, aussi générale que son appréciation soit désirée, reste celle de l’Opéra de Paris. Le classique et le contemporain s’enchaînent, mais n’attendez aucune autre danse que ces “grandes” : les reconnues et légitimes.
On regrette seulement qu’en trois heures, La Danse fasse ce qu’il aurait pu faire en deux. A moins d’être profondément passionné de danse, n’hésitez pas à ne regarder que la première moitié du film. Cela vous suffira à comprendre ce qu’est la danse et ce qui la rend possible, car voilà finalement ce que Wiseman propose.
Alex Dechaune
- Les sixièmes arts sont les arts de la scène : théâtre, danse, cirque, mime, humour. ↩︎
- Le·a directeur·ice artistique est le garant de la cohérence artistique d’un établissement culturel. Souvent danseur·euse à la retraite, iel fait le lien entre la troupe et les responsables de la compagnie. Iel décide aussi du recrutement de nouveaux et nouvelles danseur·euses, et de l’organisation des spectacles (source : danseclassique.info). ↩︎







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