FICHE TECHNIQUE
CE N’EST QU’UN AU REVOIR
Réalisation : Guillaume Brac / Production : Nicolas Anthomé / Direction de la photographie : Alan Guichaoua / Ingénierie du son : Emmanuel Bonnat, Virgile Van Ginneken, Simon Apostolou / Assistance réalisation : Carla Hennequart / Etalonnage : Gadiel Bendelac / Montage : Paola Termine
Société de distribution : Condor / Société de production : Bathysphere
UN PINCEMENT AU COEUR
Réalisation : Guillaume Brac / Production : Nicolas Anthomé / Direction de la photographie : Emmanuel Gras / Ingénierie du son : Emmanuel Bonnat / Mixage : Simon Apostolou / Etalonnage : Gadiel Bendelac / Montage : Paola Termine
Société de distribution : Condor / Société de production : Bathysphere
La séance d’une heure quarante est faite de deux moyens-métrages : Ce n’est qu’un au revoir (70 minutes) et Un pincement au cœur (30 minutes). Le premier, plus long et formellement plus abouti, a été tourné après le second.
Les personnages de Ce n’est qu’un au revoir en sont-ils ? C’est une question aussi vieille que les documentaires, mais elle mérite d’être posée. A la jeunesse innocente et sincère que quittent les personnages et qui s’épanouit naturellement à l’image, se substitue le contrôle et la construction d’un soi artificiel et cohérent par l’ajout d’une voix off, et qu’on associe généralement à l’âge adulte.
Il est impressionnant de voir se confier ces ami.es de lycée, d’être témoin de leur espoir ou non de faire avenir ensemble, d’assister à leurs confidences intimes et à leurs sorties joyeuses. Certaines scènes pourtant sont plus subtiles que d’autres. Le film est divisé en chapitres, chacun d’eux mené par le portrait d’une protagoniste dont le récit du passé éclot en voix off. Les quatre filles, Aurore, Nours, Jeanne et Diane, en classe de terminale, exposent leur rapport à leur famille. Ces témoignages introduisent une intellectualisation d’images à l’air jusque là spontané, et dès lors théâtrales. En racontant leur histoire au passé, les personnages y posent un regard analytique et cohérent. Elles se mettent en récit, se façonnent jusqu’à se forger une persona1. Surtout, il semble que leur narration ait été montée, donc choisie et coupée par quelqu’un d’autre qu’eux. N’en reste que les parties émouvantes, parfois jusqu’à l’excès. Bien que les histoires transmises aient été vécues, elles portent un drame qui, en n’étant nuancé que par l’image et jamais par des transmissions orales plus heureuses, convoquent l’excès et le tire-larmes.
Ce sont dans les scènes sans voix off que se déniche la grande sensibilité du film, sa force indéniable. Les passages mutiques, ou dans lesquels la communication est aussi spontanée que maladroite, recèlent d’une mélancolie universelle car aucune verbalisation ne les a retravaillés. En filmant ces derniers instants de lycée, Guillaume Brac et son équipe capturent une mort – celle d’un groupe, d’un moment de vie, d’une jeunesse amenée à passer – et inscrit en son potentiel une renaissance – celle d’un avenir à venir, d’une promesse de contact, d’études choisies ou subies.
Un pincement au cœur, moins narratif mais aussi plus touchant, contient le charme du documentaire. Paradoxalement, c’est ce premier film (chronologiquement) qui réussit là où le second échoue. Outre leurs thèmes communs, les deux métrages se répondent par la forme : ils suivent un groupe d’ami.es essentiellement féminin et témoignent de “la beauté et la complexité des amitiés adolescentes”2 dans les instants qui précèdent leurs ruptures. Pourtant on remarque que seules Linda et Irina n’ont pas de voix off. Sans lecture classiste3, c’est bien cette absence de récit de soi qui permet une vérité brute des deux filles. Là se dévoile le charme douloureux d’amitiés vouées à changer et mourir. La dernière scène, en gare, est déchirante. On comprend, sans doute mieux que les protagonistes, comment leur dispute témoigne d’une affection mutuelle. Cette rupture amicale soudaine soudaine semble n’exister que pour rendre moins dure la rupture géographique et contrainte.
L’association de ces deux films et de ces six voix, depuis des villages socialement et géographiquement bien distincts, sublime les ententes lycéennes en les rendant universelles. Il est remarquable de voir évoluer ces attachements devant une caméra si discrète mais pourtant nécessairement intruse. Touchants parce que vécus par les spectateur·ices des salles françaises, ces amitiés déclinantes voient leur dernier éclat figé à jamais.
Alex Dechaune
Étudiante en cinéma à l’Université de Paris 8 et à l’ENS, je vais voir peu de documentaires en salles.
Un remerciement spécial à mon ami Clément, dont l’avis partagé en sortant du cinéma m’a ouvert de nouvelles voies de lecture.
- J’en reprends ici la lecture qu’en faisait Ingmar Bergman : la persona est, ici, le personnage que les personnes réelles performent au monde, autrement dit le masque que chacun.e porte en société. ↩︎
- Citation du film (générique précédant et annonçant les deux films). ↩︎
- De façon stéréotypée, la sincérité et la spontanéité sont souvent associée aux classes populaires (que représentent les deux adolescentes grandissant à Hénin-Beaumont) face à un récit de soi qui serait plus intellectualisé et réfléchi, mais aussi plus factice, chez les classes sociales supérieures (auxquelles appartiennent les protagonistes de Ce n’est qu’un au revoir) ↩︎







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