FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Lofti Achour / Scénario : Lofti Achfour / Production : Sebastien Hussenot, La Luna Production / Distribution : Nour Films
Interprétation : Ali Helali, Wided Dadebi, Yassine Samouni
Année de sortie : 7 mai 2025
En 2015, lorsqu’un jeune berger tunisien est tué par des terroristes, les journalistes s’invitent dans la maison du défunt, filmant une mère encore sous le choc et, dans le frigo, le sac plastique contenant la tête du garçon. Dix ans plus tard, le réalisateur et dramaturge Lofti Achour filme ce drame et le deuil qui l’a suivi.
Nizar est un jeune berger qui, accompagné de son cousin plus jeune encore, emmène leurs chèvres dans la montagne de Mghila proche de la frontière algérienne. C’est un endroit dangereux et inhabité que les terroristes s’approprient en interdisant l’accès. Un jour, alors que les deux garçons sont posés à un point d’eau, les assassins surgissent soudainement et les frappent. Nizar est tué puis décapité, tandis qu’Achfar est laissé vivant chargé de “ramener sa tête”, comme lui explique son oncle plus tard. La caméra subjective est largement utilisée, elle filme ce que voit ou fait Achfar. De cette manière, le public partage – du moins partiellement – la douleur et la peur qui l’animent le temps où il doit descendre de la montagne portant, dans son sac, la tête de son cousin. Tout le film évoque le deuil , se focalisant particulièrement sur celui que doit entreprendre Achfar, enfant dont le jeune âge brouille la compréhension de la mort.
Quand la caméra n’est plus subjective, elle se fait voyeuriste, se cachant derrière les arbres et rappelant par sa présence celle des journalistes qui ont filmé la famille à son insu. Elle s’en distingue cependant en ne filmant pas les moments les plus dramatiques, privilégiant la banalité, comme celle qui accompagne la marche des hommes sur les flancs de la montagne. La caméra donne parfois l’impression de se substituer à un regard menaçant, celui des terroristes. Elle rôde autour des garçons, essayant de capturer chacun de leurs faits et gestes. D’ailleurs, c’est bien à ces jeunes hommes et à leur famille que la caméra s’intéresse, car jamais les visages des tueurs ne nous sont montrés. Peut-être car Achfar ne s’en souvient pas, mais surtout car il ne sert à rien de poser des visages singuliers sur un drame qui survient régulièrement. Le film donne une présence à des victimes ignorées par le gouvernement.
Ce manque de considération politique enferme les personnages dans leur impuissance et leur solitude. Cette dernière se fait sentir dès le premier plan, donnant à voir la maison perdue au milieu d’une étendue désertique. Elle perdure après le meurtre de Nazir, dans la gestion de son deuil. Car pour traiter son assassinat, ce sont des journalistes assoifés d’informations qui arrivent les premiers, et non la police ou le gouvernement qui les ignore. Face à cette solitude subie, il reste la quiétude de la famille et des moments passés ensemble, rassemblés sous la forme de flashbacks qui parsèment le film d’instants quotidiens joyeux.
Nizar ne quitte jamais vraiment le récit présent dans des souvenirs qui le convoquent, mais aussi surgissant dans la vie d’Achfar. A la manière d’un fantôme, Nizar apparaît sur une branche d’arbre ou face à son cousin, qui lui parle comme à un vivant. Ces apparitions fantasmagoriques de Nazi font osciller le film entre onirisme et réalisme. Comme si ce qu’Achfar vivait était indescriptible et qu’il était préférable d’évoquer cela par l’image et la musique.
Lilia Penot







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