La Tour de glace

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Nous vous conseillons vivement d’avoir vu le(s) film(s) traité(s) par nos textes, afin de ne pas être spoilé·es et de mieux comprendre nos propos !

Fiche technique

Réalisation : Lucile Hadžihalilović / Scénario : Lucile Hadžihalilović, Geoff Cox /     Montage : Ken Yasumoto, Nassim Gordji Tehrani / Photographie : Jonathan Ricquebourg / Costumes : Laurence Benoït /  Décors : Julia Irribarria / Maquillage : Vesna Peborbe /    Son : Etienne Haug / Casting : Lydie Ledoeuff / Production : Serge Catoire / Sociétés de production : 3B Productions, Arte France Cinéma, Davis Films, Sutor Kolonko / Société de distribution : Metropolitan FilmExport. 

Distribution : Marion Cotillard, Clara Pacini, August Diehl, Gaspard Noé 

Date de sortie : 17 septembre 2025

La Tour de glace adapte La Reine des neiges d’Andersen de manière enchâssée, faisant découvrir le tournage de son adaptation par Jeanne, personnage principal. Cette jeune fille de 15 ans, qui connaît déjà tout du conte, tombe par hasard sur le studio dans lequel Marion Cotillard interprète Christina Van den Berg, actrice à succès chargée d’interpréter la protagoniste du conte. Sur un plateau où brillent des décors impressionnants et des costumes hypnotisants, Lucile Hadžihalilović met en place un univers entre onirisme et cauchemar. 

Jeanne, orpheline sans attache, quitte le foyer dans lequel elle vivait pour s’enfuir jusqu’aux montagnes. Son parcours sera celui de deux quêtes, celle d’une figure maternelle et celle identitaire. C’est dans le personnage que joue Marion Cotillard, rencontrée d’abord comme Reine des neiges drappée d’un blanc scintillant, qu’elle projettera cette première. Mais l’actrice se révèle vite aussi impressionnante qu’effrayante, cherchant sans cesse à fasciner. 

La froideur du conte d’Andersen est présente tout au long du film, retranscrite à l’image par la dichotomie des couleurs. Des scènes sousexposées ou à l’inverse surexposées s’affrontent à l’extrême dans ce film. Ce jeu des couleurs illustre le manichéisme de l’œuvre, héritière du conte. Bianca, prénom choisi par Jeanne afin de se créer une nouvelle identité en se présentant sur le tournage, endosse par celui-ci l’innocence et la pureté, face à une Cotillard dont la cruauté se révèle vite. Dès la première apparition fantasmagorique de la reine sortant de la pénombre, le blanc n’est qu’une façade pour laisser place au plus sombre. Lorsque la reine enlève sa perruque scintillante, elle devient l’actrice Christina Van den Berg. La porosité entre le rôle et l’actrice s’accentue tout du long du film, pour atteindre son paroxysme lorsque l’actrice embrasse Jeanne de force. L’agression fait explicitement référence au conte originel, dans lequel la reine embrasse le jeune Kai pour l’emmener avec elle et l’endormir. Décliner l’identité des personnages principaux en plusieurs figures (celle du film, celle du conte) permet de traiter, à des échelles différentes, de nombreux enjeux du conte d’Andersen. Mais cette porosité, souvent trop fine, empêche aux personnages du film d’en devenir. L’innocence de Jeanne contraste par trop avec la solitude cruelle de Christina. Dans ce manichéisme, le film ne surprend pas, mais il se conforte dans l’intrigue du conte sans y intégrer toute forme de liberté. 

Comme le film se déroule sur un tournage, on y croise des techniciens autant que des décors impressionnants. Cela permet, encore une fois, une double utilisation de ces lieux, supports du récit ou à leur tour sujets. Le film place le cinéma et ses artifices au cœur de son propos. La salle de projection y est un lieu récurrent, dans lequel l’écran de cinéma est un miroir qui projette les fantasmes et fascinations des personnages. Mais de la même façon qu’au début du conte originel, le miroir finit ici par exploser. La relation entre Jeanne et Christina se termine par la fuite de la plus jeune. Et justement, il ne reste que quelques débris laissés au spectateur pour comprendre les réflexions du film sur le cinéma. Bien qu’on soit aveuglé par sa beauté et ses propositions intéressantes, le rêve finit rapidement par nous endormir.

Lilia Penot

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