Retrouvez, par ordre alphabétique, les recommandations de nos rédacteur·ices piochées dans les sorties en salle et autres découvertes de l’année 2025 ! Vous remarquerez que la signification du classement n’est pas la même d’une personne à une autre. Si cela vous intéresse, n’hésitez pas à faire dérouler ces classements pour mieux comprendre leur justification !

ALEX
Valeur sentimentale, Joachim Trier
L’intérêt d’Adam, Laura Wandel
La Petite dernière, Hafsia Herzi
Bonus :
Conversation secrète, long-métrage (Francis Ford Coppola, sorti en 1974)
Allégorie citadine, court-métrage (Alice Rohrwacher, JR, sorti en 2024)
Le système de hiérarchisation en art fait peu sens, tant comparer des esthétiques diverses voire opposées est souvent stérile, et est vite obstrué par des éthiques de représentations, des histoires dont le récit est plus urgent ou plus rare que d’autres, des points de vue qu’on refuse de mettre en avant malgré une appréciation formelle, ou l’inverse. Mon top n’est donc pas un classement de films que j’aurais préféré à d’autres, mais la possibilité de conseiller des œuvres dont La Jetée n’a pas consacré d’articles, qu’elle qu’en soit la raison. Voici donc ci-contre 3 films (par ordre de sortie chronologique) que je recommande, mais pas au point d’y consacrer un article :
- Valeur sentimentale, Joachim Trier (20.08.2025)
Agnes et Nora voient leur père débarquer après de longues années d’absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors le rôle à une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux.
- L’intérêt d’Adam, Laura Wandel (17.09.2025)
Face à la détresse d’une jeune mère et son fils, une infirmière décide de tout mettre en œuvre pour les aider, quitte à défier sa hiérarchie.
- La Petite dernière, Hafsia Herzi (22.11.2025)
Fatima, 17 ans, est la petite dernière. Elle vit en banlieue avec ses sœurs, dans une famille joyeuse et aimante. Bonne élève, elle intègre une fac de philosophie à Paris et découvre un tout nouveau monde. Alors que débute sa vie de jeune femme, elle s’émancipe de sa famille et ses traditions. Fatima se met alors à questionner son identité. Comment concilier sa foi avec ses désirs naissants ?
Mon classement de l’année 2025 est marqué par des contradictions dans la réception que j’en ai faite, contradictions qui m’ont empêchée d’écrire un article à leur sujet au moment de leur sortie. Les trois films ci-dessus m’ont d’autant plus déçue que je les ai beaucoup aimés, et que je les aurais voulus meilleurs. C’est moins le cas de L’intérêt d’Adam, fiction dont le fond social très présent crée une pesanteur maîtrisée. Laura Wandel signait son deuxième long-métrage depuis Un Monde, autre fiction sociale avec pour cadre cette fois le harcèlement scolaire. Il y a, dans ces deux films, le constat d’une impasse, d’une impossible résolution immédiate, une discordance d’intérêt infranchissable entre des protagonistes écrits avec nuance et secrets. Mais, sans doute parce que le travail du son y était prégnant et magistral, Un Monde était plus empirique. Il pointait déjà l’obsolescence de l’école en tant qu’institution, mais il fournissait surtout le portrait d’une humanité cruelle et tragique. L’intérêt d’Adam, aussi minutieusement écrit et exécuté qu’il soit, prend des formes de manifeste. Sa critique de la gestion des milieux hospitaliers, bien que largement pertinente et nécessaire, efface trop des personnages qu’on voudrait suivre mieux. La Petite dernière et Valeur sentimentale laissent une frustration similaire. Le film d’Hafsia Herzi, Queer Palm de l’année, offre la représentation apaisée d’une famille arabe et musulmane, ce qui est assez rare pour être notifié. L’insuffisance de représentations de cette veine est sans doute la cause de louanges excessives pour un film qui reste sage et formellement très classique. Valeurs sentimentales déçoit réciproquement. Le scénario et la réalisation brillent d’efficacité et de subtilité. Mais, là où Julie (en 12 chapitres), le précédent Trier, avait su capter les questionnements et les angoisses d’une génération, Valeurs sentimentales s’enferme, comme trop d’autres récents films, dans le cadre restreint d’une famille d’artistes bourgeois. Ce n’est que très partiellement que le long-métrage parvient à son but – dépeindre, par le biais de ce microcosme déconnecté, des relations familiales entre tendresse et affection et des rapport de domination nécessairement générés par une société hétérocapitaliste.
Ces trois films sont donc autant des œuvres intelligentes que je recommande, que des longs métrages frustrants, plein d’un potentiel castré.
FILMS BONUS :
Conversation secrète, long-métrage (Francis Ford Coppola, 1974)
Spécialiste reconnu de la surveillance audio, Harry Caul mène une existence solitaire et rigoureuse. Chargé d’enregistrer les échanges d’un couple dans les rues de San Francisco, il découvre à l’écoute des bandes que les deux amants pourraient être en danger. Hanté par ce qu’il entend, il refuse de livrer les enregistrements et plonge dans une enquête obsédante qui ébranle peu à peu ses certitudes…
Allégorie citadine, court-métrage (Alice Rohrwacher, JR, 2024)
Un petit garçon réussit à lui seul à se libérer de l’étau de la caverne platonicienne.

ANDEOL
1- L’agent Secret, Kleber Mendonça Filho
2- Strip-Tease Intégral, Jean Libon, Clémentine Bisiaux, Régine Dubois, Stéphanie de Smedt, Mathilde Blanc, Yves Hinant
3- Magellan, Lav Diaz
4- Eephus, Carson Lund
5- Resurrection, Bi Gan
6- Reflet dans un diamant mort, Hélène Cattet et Bruno Forzani
7- Queer, Luca Guadagnino
8- Aimer Perdre, Lenny & Harpo Guit
9- Une bataille après l’autre, Paul Thomas Anderson
10- L’engloutie, Louise Hémon
Bonus :
They left me with the sword / They left me with the gun – Paris, Texas, Dan Streit
La fin de 2025 arrive avec le constat que cette année aura brillé par son ironie, son pessimisme et sa mélancolie. Si on déplore le manque d’enjeux des récits issues des cultures non hégémoniques cette année, on remarque que le vent politique et poétique qui souffle sur le septième art garde une énergie constante. 2025 dans la vie réelle aura été l’année de François Bayrou, de la mort de Charlie Kirk, de l’emprisonnement de Nicolas Sarkozy et de Jair Bolsonaro. Tant de personnages dont le pathétique définit l’époque, qui se retranscrit ensuite en création artistique. Ce n’est alors pas une coïncidence si 2025 signe une victoire dans la représentation de l’anti-héros pathétique. Qu’il soit antipathique ou attachant, le·a protagoniste principal·e de cette année se démarque par sa faiblesse de caractère. Ses failles construisent son réel et son récit. Je fais une mention honorable, alors, à la farce d’Ari Aster Eddington, qui aura su montrer tout le détestable de notre époque avec une corrosion pertinente et la suprahypermasculinité du torero en culottes hautes du Tardes de Soledad d’Albert Serra. Mais ce sont en réalité les timides, les bégayeur·euse·s, les incompris.es et les obsessionnel·le·s que je garde dans mon cœur. De l’indésirable Daniel Craig dans Queer au rêveur de Résurrection, en passant par l’inarrêtable Armande Pigeon dans Aimer Perdre et tous ces personnages de Strip-Tease Intégral, 2025, la poésie du marginal s’impose.
Cette année se démarque aussi par la réflexion qu’elle fait sur son passé pour raconter son présent. Même si Strip-Tease Intégral se veut miroir de la société contemporaine, le film d’époque domine en effet mon classement. Ce retour en arrière fait alors office de pansement, de correction ou de sublimation de l’Histoire (voire même les trois à la fois). Ainsi, le cinéma de 2025 a avant tout été une machine à remonter le temps. On a voyagé dans les années 90, aux Etats-unis, avec Eephus de Carson Lund et son récit crépusculaire de fin d’un monde. On est ensuite allé en 1960 sur la Côte d’Azur, où les mirages de Reflet dans un diamant mort m’ont séduit jusqu’à vouloir devenir moi-même un célèbre espion qui combat les magnats du pétrole. Luca Guadagnino nous a ensuite mené dans le Mexico des années 50 de William S. Burroughs avec Queer, accueillant la mélancolie homosexuelle de ses personnages. On s’est ensuite perdu dans les Alpes françaises de Louise Hémon, avec L’Engloutie où la recherche et la forclusion des désirs régissent un petit hameau de montagne en 1899. Le réalisateur philippin Lav Diaz nous a ensuite conduit sur la dernière expédition de Magellan, en 1521, réaffirmant dans l’Histoire le rôle des habitants de l’île de Mactan. On est même remonté avant notre ère, lorsque la flore dominait notre monde, grâce au botaniste Mark Brown et aux 7 promenades que Vincent Barré et Pierre Creton lui ont accordé. De ces voyages est ressortie une fascination pour la nature du passé, parfois extatique, parfois menaçante, mais toujours sublime.
Nous ne sommes, cependant, pas les seuls à avoir voyagé dans le temps et dans le cinéma cette année. Le protagoniste polymorphe de Résurrection a lui aussi utilisé sa passion dévorante pour traverser le temps d’un film une histoire du cinéma. Bi Gan s’y est approprié les codes des films muets, des films noirs, des films de mafia, pour créer son histoire de spectateur fantôme, émancipé mais enclavé dans ses obsessions.
Parce que 2025 a encore été une année qui a misé sur le grandiloquent de la mise en scène de cinéma, les moyens employés pour raconter ces histoires montrent une maîtrise et une réécriture du langage cinématographique et de ses possibilités. J’ai alors été subjugué par les images qu’on a pu voir au cinéma en 2025 : la direction artistique de L’inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier, les transition et la plastique de Reflet dans un diamant mort et le plan séquence final de Résurrection. Si cette année a mis un accent sur l’ampleur, elle a aussi été frénétique. Les comédies Une bataille après l’autre et Aimer Perdre ont bouillonné par leur grand-guignolesque, leurs personnages vissés dans l’urgence de situations qui leur glissent entre les doigts. Les propositions esthétiques ont été légions pour le grand écran comme pour le petit. Quelle euphorie a été pour moi la découverte du diptyque de clip They left me with the sword et They left me with a gun du groupe Paris, Texas. Entre hommage aux stoner movies des années 90/2000, histoire surréaliste et mise en scène épileptique qui rappellerait jusqu’aux clips des Death Grips, c’est une des créations audiovisuelles qui m’a le plus transporté cette année.
Mais, imaginons qu’il n’y ait qu’un film à retenir de 2025 qui traduirait les tendances que j’ai évoqué. De tous ces aspects, le portrait complexe de son personnage, son hommage aux cinémas des années 70 par la forme et par le récit, qui porte une réflexion sur l’Histoire et sa mémoire, un film a dominé cette année : L’Agent Secret de Kleber Mendonça Filho. Ce film de grande ampleur, pastiche de thriller politique, joue avec les faux-semblants et déjoue les attentes du spectateur. De son histoire individuelle découle une histoire nationale, qui résonne avec le climat actuel. Ses thèmes résonnent avec ceux que j’affectionne : la résolution d’une époque, la violence politique et institutionnelle et l’impact sociétal de la culture populaire. Sa morbidité haute-en-couleur s’est imprimée dans mon cerveau depuis que je l’ai vu, et il n’a pas quitté ma tête depuis. 2025 a pour moi brillé par ses réflexions politiques, son questionnement de l’image et de la représentation, sans oublier que ce qu’on recherche dans une salle de cinéma, c’est avant tout des émotions qu’on aura toujours du mal à traduire en mot.

GENEVIEVE
Sœurs, journal d’une reconstruction, Julia Zahar
L’épreuve du feu, Aurélien Peyre
Un simple Accident, Jafar Panahi
Valeur sentimentale, Joachim Trier
Zion, Peter Watkins (1971)
Bonus :
Punishment park (vu le 25 Octobre 2025 sur Youtube)
La Jetée ne me voit plus depuis quelques mois, et les choses ne vont pas en s’arrangeant : le froid tombe enfin sur Lyon et avec lui je m’engouffre sous ma couette. Ma page de critiques garde depuis septembre un goût de printemps. En plus des projets annexes que je couve, il faut dire que je n’ai pas le cœur à débattre de ce que je vois. Bien souvent en ce moment je préfère regarder, repenser éventuellement, oublier finalement, et voir quelles séquences me reviennent aujourd’hui. Alors quelques images s’imposent que je vous partage.
Sœurs, journal d’une reconstruction est un film documentaire qui n’a pas besoin de faire l’unanimité pour toucher celleux qui auront croisé du regard les mêmes yeux vides et les mêmes silences.
L’épreuve du feu fut une épreuve psychologique que je recommande à chaque fois que quelqu’un me demande ce que j’ai aimé au cinéma récemment.
En voyant que j’ai mis la palme d’or, Un simple Accident, on pourrait croire que je ne suis pas très intéressante (et on aurait raison) : mais j’argumenterai pour faire parler dans les chaumières que j’ai trouvé le jeu très mauvais, et que ça m’a fait aimer le film d’autant plus.
Valeur Sentimentale, c’était juste pour pouvoir dire que je l’ai vu au Festival de Cannes. Non bien sûr, rarement un film m’a autant parlé esthétiquement et psychologiquement: la séquence d’introduction autour de la figure de la maison familiale restera une source d’inspiration et de comparaison pour longtemps dans mon esprit.
Zion est une découverte récente, que l’on m’avait conseillé il y a longtemps dans le cadre du Festival engagé intersectionnel lyonnais Pour la suite du monde. Il est rare de voir des films guadeloupéens en salle, et d’ailleurs il n’y est pas resté assez longtemps pour que je trouve le temps de l’y voir. Malgré sa difficulté d’accès, c’est une fable moderne qui vaut le détour, et que je me ferai tâche de faire découvrir à qui veut bien m’entendre en parler.
Voici venu le moment universitaire, où je vous présente l’œuvre que j’étais encore en train d’étudier à quelques jours de Noël : Punishment Park. C’est cette sombre uchronie tournée pendant la guerre du Vietnam que je recommanderais s’il fallait choisir parmi la filmographie de Peter Watkins. Si ous voulez mon avis, c’est l’ancêtre direct de Hunger Games, avec un discours politique plus assumé. Tous sont d’ailleurs disponibles gratuitement et de bonne qualité sur Youtube.


JUSTINE
Sinners, Ryan Coogler
Hard Truths, Mike Leigh
Le Roi Soleil, de Vincent Maël Cardona
Sorry, Baby, Eva Victor
Sentimental Value, Joachim Trier
Put Your Hand on Your Soul and Walk, Sepideh Farsi
Bonus :
Working Girls, Lizzie Borden (1986)
Sinners de Ryan Coogler – sorti en France le 16 avril 2025.
Sans aucune originalité, l’un de mes films chouchous de cette année est un des plus gros succès au box-office, une œuvre mainstream par excellence, un objet de divertissement qui s’assume mais dont la recette m’a convaincue très rapidement et à plusieurs reprises. Coogler confirme qu’il sait faire des films populaires, qu’il sait diriger des troupes d’acteurs qu’on ne soupçonnerait pas forcément de fonctionner, qu’il sait s’accompagner de compositeurs de génie (Ludwig Göransson s’il vous plaît) et qu’il maîtrise les séquences de spectacle, peu importe si celles-ci finiront surtout dans des montages tiktok. Mais surtout, même le film le plus américain dont on voudrait sous-estimer le poids politique et dont on pourrait juger le mélange facile d’intrigues (mêler musique jazz à l’horreur vampirique par exemple) me semble encore intéressant à voir en 2025. Des fois le manque de subtilité, le trop gros, l’évident, c’est très satisfaisant, et profiter d’une œuvre au 1er degré n’empêche pas d’en voir les couches de narration et de symbolisme. Qu’on le veuille ou non, Sinners marque une petite révolution dans le cinéma noir-américain, tant dans le mode de production que dans la narration et dans la réception, et c’est à souligner.
- Hard Truths de Mike Leigh – sorti en France le 2 avril 2025.
Après avoir vu environ 10 fois la bande annonce dans les Mk2, je ne pensais pas autant aimer ce film, le premier que je vois de Leigh. Bêtement, l’idée d’une femme qui n’est jamais contente, agressive envers le monde entier sans ne jamais dire pourquoi me repoussait un peu. On commence en trouvant drôles, voire ridicules les élans de colère de cette femme, puis on se tend, on ressent sa frustration de ne pouvoir expliquer la dite colère à ses proches, puis on s’émeut (plus exactement on pleure pendant toute la dernière demi-heure) devant cette souffrance mise sous silence. Plus l’histoire avançait et plus je reconnaissais dans le jeu phénoménal de Marianne Jean-Baptiste une douleur si attachante et si familière. Rien n’est facile dans ce film : les échanges entre les personnages sont souvent désagréables, les personnages nous peinent et le refus d’une résolution idéale aux enjeux exposés laisse un goût amer. Et c’est justement là que j’ai trouvé le film si marquant : sortir de la séance déboussolée par la rage et la tristesse que même un film ne peut pas totalement réparer.
- Le Roi Soleil de Vincent Maël Cardona – sorti en France le 27 août 2025.
L’unique film français de ce top est un huis-clos policier dans un bar PMU avec une structure non-linéaire et un casting très équilibré qui remplit parfaitement son objectif : nous faire douter de la réalité narrative et rendre chaque personnage tout autant suspect qu’attachant. Là où le déroulé du film m’a particulièrement plu, c’est que malgré un montage de séquences en puzzle (flashbacks, flashforwards, scènes rejouées selon différents points de vue, scènes « inventées » etc.), l’intrigue tient la route jusqu’au bout. On croit parfaitement à chaque échange, aux rapports de classe et de pouvoir que soulève l’histoire de ce ticket gagnant du loto que remporte un client du PMU. La mise en scène théâtrale avec un tel panel de personnages fonctionne parfaitement, la tension qui semble ne jamais s’arrêter (même le dernier plan nous laisse dans le doute) est assez jouissive et surtout l’aspect choral du film est très maîtrisé et s’articule parfaitement avec l’ambiguïté de la continuité du récit.
- Sorry, Baby de Eva Victor – sorti en France le 23 juillet 2025.
Après avoir visionné pour mes études une flopée de films qui mettent maladroitement voire vulgairement en scène les violences sexuelles ou leurs conséquences, ce film est paradoxalement un vrai soulagement. En nous tenant à distance de la violence même (je vous conseille le dossier d’Alex Dechaune sur la mise en scène du viol !), le film parvient à mettre en lumière l’instabilité que peut entraîner le fait de vivre avec un traumatisme, sans sur-psychologiser le personnage, tout en interrogeant certaines conceptions de la réparation ou de la guérison. Tout en passant par des thématiques annexes comme la maternité, la relation « pansement », ou la perversité du monde de l’enseignement supérieur, le film garde pour noyau l’importance de la parole dans le temps long. Le récit est vif, mais dans un rythme étonnamment calme, touche là où ça fait mal sans jamais le faire gratuitement.
- Sentimental Value de Joachim Trier – sorti en France le 20 août 2025.
Comme toujours, je trouve que le cinéma scandinave excelle dans la mise en scène de la nostalgie, dans l’importance donnée aux espaces comme toiles de fond de relations abîmées mais pourtant soignées. Ici, c’est cette grande maison familiale qui renferme un déséquilibre entre sœurs, le fantôme d’une mère dont l’histoire est encore à creuser, le conflit qui n’explose jamais véritablement. J’ai surtout aimé le film pour ses portraits de femmes qui sont enfermées par leur capacité au care face à des hommes qui ne l’ont jamais, et pour le dialogue entre l’idée de jouer la comédie pour le travail et celle de faire semblant pour la famille. Je dois souligner qu’il y a une vraie omniprésence du personnage dominant (blanc, riche, cis, hétéro) et du cadre dans lequel il évolue (des espaces très beaux, très propres, très confortables) dans le cinéma scandinave de manière globale qui pourrait devenir redondant…
Bonus :
- Put Your Hand on Your Soul and Walk de Sepideh Farsi – sorti en France le 24 septembre 2025 : un documentaire qui se passe relativement de commentaires, le portrait d’une photojournaliste palestinienne assassinée par des missiles israéliens. Un dialogue entre les différents dispositifs qui capturent l’image, entre Fatma Hassona et ses proches dont on ne peut que deviner le quotidien, dialogue régulièrement interrompu entre Hassona et la réalisatrice qui traduit l’impossibilité de véritablement saisir le réel d’un génocide. Ne nous habituons jamais, ni à ces images, ni au mythe de la résilience des victimes qui n’est qu’un prétexte à l’oubli.
+ Working Girls de Lizzie Borden (1986) : Une œuvre novatrice sur les représentations du travail du sexe, qui apporte des nuances dont on manque pourtant cruellement aujourd’hui sur notre rapport à ce milieu et à celles et ceux qui le font.

LILIA
Queer, Luca guadagnino
Aimer Perdre, Lenny Guit et Harpo Guit
Résurrection, Bi Gan
Une bataille après l’autre, Paul Thomas Anderson
L’aventura, Sophie Letourneur
L’écrivain William S. Burroughs, un des fondateurs du mouvements de la beat génération1, écrit Queer en 1985. Bien que publié tardivement par rapport à l’apogée du mouvement dans lequel il s’inscrit, on y retrouve des personnages perdus et antipathiques. Des traits de caractères communs aux protagonistes des films qui m’ont marquée cette année. Dans ces récits, ces traits sont engendrés par un système encore plus absurde que les personnages y vivant. Armande Pigeon dans Aimer Perdre finit ainsi par nous insupporter, avec des décisions tout aussi insensées les unes que les autres. Les actions des personnages deviennent détachées de leurs objectifs initiaux, comme si le but n’était pas la finalité mais plutôt de rendre compte de l’absurde réalité dans laquelle ils évoluent. A l’image de Léonardo Dicaprio dans Une bataille après l’autre, il n’y a plus cette année que des anti-héros moqués par le spectateur et le réalisateur. La distance contrainte par leur évolution tout au long du film laisse place à une dérision du réalisateur pour ses personnages quelquefois jouissifs. Les errances du personnage de Daniel Craig dans Queer retranscrivent un sentiment d’égarement commun à tous. Les films de cette année nourrissent alors une critique d’un système et de politiques épuisantes pour ses personnages fictionnels.

Bonne année 2026 !
- Un mouvement artistique né aux Etats-Unis pendant les années 1950-1960 qui rejette les valeurs conventionnelles de la société. Parmi ses figures les plus connues, on retrouve les écrivains Jack Kerouac et Allen Ginsberg. ↩︎







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