FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Emir Kusturica
Scénario : Emir Kusturica et Abdulah Sidran
Année de sortie : 1985

Actuellement en salles dans une version remasterisée, le deuxième film de Kusturica remporte une Palme d’Or au festival de Cannes 1985, sa première avant Underground. Ce prix le révèle aux yeux du monde avec un film qui contient en germes ses obsessions futures de cinéaste.
Le jeune Malik, du haut de ses six ans, est témoin des errances politiques et amoureuses de son père Mesa. Ce dernier, séducteur infatigable, subira la vengeance d’un amoureux trompé et se retrouvera envoyé de Sarajevo, officiellement pour faute politique. Pour Malik, il est « en voyage d’affaires ». Sa petite famille se bat pour lui rendre visite tandis que Mesa profite de son exil pour multiplier les aventures…
En choisissant le point de vue d’un enfant, de surcroît fort intrépide, drôle (et somnambule !), Kusturica dresse un portrait de la Yougoslavie à la fois tendre et franc. Suivre un petit garçon, c’est traiter directement des difficultés économiques du bloc de l’Est à travers l’achat contrarié d’un ballon de foot en cuir. Mais c’est aussi, de façon plus universelle, découvrir son corps et celui des autres, surprendre (et interrompre) ses parents dans leurs ébats.
La grande force de Papa est en voyage d’affaires tient dans ce mélange des registres détonnant. A chaque raccord, on ne sait si la prochaine image nous fera rire ou pleurer. Souvent, c’est la fantaisie qui l’emporte. Le somnambulisme de Malik donne lieu à des scènes oniriques et cocasses et un troubadour commentera avec ironie l’avancée de l’histoire avec les personnages en chœur. Jamais le film ne se départira de ce truculent équilibre entre sarcasme et tendresse.
Ce réalisme teinté de malice et d’humour noir annonce les futurs succès de Kusturica, à commencer par Chat noir chat blanc et Underground. Certes, le réalisateur est parfois trop sage dans Papa est en voyages d’affaires, mais faisons le pari que vous n’oublierez pas de sitôt ses personnages savoureux.

Manon Grandières