FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Alexis Langlois / Scénario : Alexis Langlois, Carlotta Coco, Thomas Colineau / Production : Inès Daïen Dasi / Co-production : Benoït Roland / Production associé : Cristos V. Konstantakopoulos / Musique originale : Pierre Desprats / Chansons originales : Rebeka Warrior, Yelle, Pierre Desprats, Mona Soyoc, Louise Bsx / Direction de la photographie : Marine Atlan / Direction du son : Marie Paulus / Décors : Anna Le Mouël, Barnabé D’hauteville / Montage : Alexis Langlois, Gabriel Delahausse / SFX : Fred Lainé – Atelier 69 / Production : Les Films du Poisson / Co-production : Wrong Men, Rtbf, Arte, zzProximus Voo et Be TV, BNB Paribas Fortis Film Finance
Interprétation : Louiza Aura, Gio Ventura, Bilal Hassani
Année de sortie : 2024
Il n’existe pas de mots pour parler des Reines du Drame. Je ne les connais pas, on ne me les a jamais appris, on ne les a pas inventés.
La philosophie du langage a démontré depuis plusieurs dizaines d’années déjà que toute parole, en nommant, excluait ce qu’elle ne nommait pas. Chaque mot intègre des possibilités et en refuse, limite et restreint son sujet en l’identifiant.
J’ai plusieurs fois essayé de parler des Reines du Drame. Soit entre amis, soit pour les anonymes lecteur·ices de La Jetée ; soit à l’oral, soit à l’écrit. J’ai échoué, dans tous ces cas.
Les mots de la presse pour décrire le premier long-métrage d’Alexis Langlois me gênent. Punk, queer, mélo, trash, passionné, clinquant, pop, sont autant de termes qui ont tenté de délimiter l’objet filmique qui sort en salles ce 27 novembre. A mon sens, tous ont échoué autant que moi. Il est amusant de constater que les seuls qui s’en approchent ne sont pas français (Queer, camp…). Comme si la langue française n’était faite que pour les films Français, les films de France associés à la culture Française : le cinéma d’auteur, la Nouvelle Vague, la petite bourgeoisie, l’entre-soi, la poésie opaque, le mystère flottant. Le cinéma français n’a pas prévu Les Reines du drame, la langue française non plus. Au mieux, elle le qualifie d’OVNI, ou d’OFNI1 : le film est condamné à être marginalisé, défini comme corps étranger plutôt qu’intégré et compris dans la presse mainstream ou du moins reconnue.
Les Reines du Drame est un film qui n’a rien de ceux qu’on est habitué·e à voir et dont on est habitué·e à parler. Il existe bien sûr d’autres films abordant les thèmes queer ou exprimant cette esthétique (ils sont d’ailleurs abondamment cités par Langlois), mais ils sont si niche, si restreints au public qu’ils représentent, qu’ils sont indéfinissables à ceux qui sortent de la communauté LGBTQI+. Indéfinissables, pas hermétiques. Ce ne sont pas les films des minorités qui échouent à communiquer, ce sont les mots pour les décrire. Tout le monde peut aimer les Reines du Drame, mais personne ne saurait en parler comme il le faut, trouver des mots fidèles à son expérience et à son appréciation.
Les Reines du Drame est un film que je ne cesserai jamais de conseiller. En tant que lesbienne, il est inestimable de se voir comprise, et la scène finale m’a touchée plus que je n’aurais pensé l’être. Voir de vieilles et heureuses gouines est rare et précieux, inexistant au cinéma, du moins dans le cinéma que je connais, dans le cinéma qu’on m’a appris à connaître. En tant que spectatrice simplement, que créature sans identité, en tant que personne allant au cinéma pour me divertir, c’est un film jouissif. Il ne sert à rien de dire qu’il est drôle, explosif, rythmé, précis. Toutes mes phrases pour expliquer pourquoi Les Reines du Drame est brillant appauvrissent le film, le rendent ridicule. Je m’en tiendrais seulement à celle-ci : puisque j’échoue à faire lire le film à vos yeux, laissez ces derniers le voir.
Alex Dechaune
1 OVNI : Objet Volant Non Identifié ; OFNI : Objet Filmique Non Identifié
L’ensemble des co-rédactrices en cheffe de La Jetée (Lilia Penot, Geneviève Rivière et Alex Dechaune) recommande unanimement et chaudement Les Reines du drame à son lectorat.
POUR ALLER PLUS LOIN
Découvrez l’interview de Gio Ventura, interprète de Billie Kohler !







Répondre à Marcelo Caetano – La Jetée Annuler la réponse.