La Plus Précieuse Des Marchandises

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2–3 minutes

Nous vous conseillons vivement d’avoir vu le(s) film(s) traité(s) par nos textes, afin de ne pas être spoilé·es et de mieux comprendre nos propos !

2–3 minutes
FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Michel Hazanavicius / Production : Florence Gastaud, Robert Guédiguian, Michel Hazanavicius, Riad Sattouf, Patrick Sobelman, Christophe Jankovic, Valérie Schermann, Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne / Sociétés de production : StudioCanal / Distribution : StudioCanal / Directeur artistique : Julien Grande Montage : Laurent Pelé / Ingénieur du son : Sélim Azzazi, Jean Paul Hurrier
Interprétation : Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès

Année de sortie : 2024

Un “il était une fois” prononcé par Jean-Louis Trintignant débute La plus précieuse des marchandises, adaptation cinématographique du livre éponyme de Jean-Claude Grumberg. Réalisé par Michel Hazanavicius, en collaboration avec l’auteur du conte original, le film d’animation met en scène “un pauvre bûcheron” et “une pauvre bûcheronne” qui élèvent un enfant trouvé en bordure d’un chemin de fer, durant la guerre. Il appartient à “la race des sans-cœur”. S’ensuit une métaphore accessible et compréhensible par tous, mais évitant le didactisme, de la déportation des juifs. 
L’utilisation originelle du conte – expliquer aux enfants de quoi se méfier dans la société – est détournée et dépossédée de morale. A la place se dessine une mémoire de la guerre et de la déportation. L’histoire partage avec un public plus jeune les horreurs de la guerre avec une sensibilité que rend impossible son apprentissage dans un cours d’histoire. Jean Claude Grumberg n’a cessé de rappeler au réalisateur que l’histoire devait rester un conte pour enfants et ne jamais les choquer ou leur faire peur. L’un des enjeux clé du film est donc la naïveté : celle de l’enfant, d’abord, mais aussi celle des personnages qui l’entourent. S’inscrit dans cette lignée la figure de la mère aimante, cette “pauvre bûcheronne” qui recueille la petite fille sans l’aval de son mari. Le film pourrait par ailleurs tomber dans le pathos, si les dessins réalisés par Hazanavicius et son équipe ne contre-balançaient pas ce risque par leur réalisme. Loin des personnages enfantins des films Disney, le réalisateur s’est inspiré des peintures françaises du XIXe siècle pour créer ses personnages. Un public plus âgé se retrouve donc aisément dans ces images.
Le souhait du film de rester au plus proche du roman l’empêche cependant de devenir une œuvre à part entière tout en n’arrivant jamais à retranscrire pleinement les émotions du livre. La musique d’Alexandre Desplat semble prendre la place du narrateur. Omniprésente, elle donne l’impression de vouloir nous arracher quelques larmes. Si le conteur était utilisé comme un médium entre les personnages et le lecteur dans l’œuvre originale, son absence se fait clairement ressentir dans les dialogues. Ils sont creux et parfois didactiques, nous empêchant de s’attacher autant qu’on le souhaiterait au personnage du “ pauvre bûcheron” ou encore de la gueule cassée.
L’adaptation par Hazanavicius est hélas l’ersatz assez moyen d’un très bon conte, cherchant parfois à s’écarter de l’original mais jamais assez. On en retient tout de même les dessins glaçants, en noir et blanc, représentant des victimes d’Auschwitz défilant dans un silence lourd. 

Lilia Penot

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